• 11. La Reconnaissance

    Le maître, le jardinier et l'invité

    Le désir du mental est d'être extraordinaire. L'ego a soif et désire ardemment la reconnaissance d'être quelqu'un. Certains réalisent ce rêve par la richesse, d'autres par le pouvoir, la politique; d'autres le réalisent par des miracles, des tours de passe-passe mais le rêve demeure le même: "je ne peux pas accepter de n'être personne".

    Le miracle est là lorsque vous acceptez le fait de n'être personne, lorsque vous êtes aussi ordinaire que les autres, lorsque vous ne recherchez pas la reconnaissance, lorsque vous pouvez exister comme si vous n'existiez pas. Être absent est le miracle.

    Cette histoire est belle; une des plus belles anecdotes zen. Bankei est un des plus beaux maîtres; pourtant Bankei était un homme ordinaire.

    Un jour que Bankei travaillait dans son jardin, arriva un chercheur en quête d'un maître. "Jardinier, où est le maître ?" lui demanda t'il.

    Bankei se mit à rire: "Attendez; entrez par cette porte et à l'intérieur vous trouverez le maître".

    L'homme fit le tour, entra et vit Bankei assis sur un trône; le même homme qui jardinait à l'extérieur. "Vous vous moquez" dit le visiteur "quittez ce trône, c'est un sacrilège, vous ne respectez pas votre maître".

    Bankei descendit, s'assit par terre et lui dit: "C'est difficile, maintenant tu ne trouveras pas de maître ici... car je suis le maître".

    Il était difficile pour cet homme d'accepter qu'un grand maître puisse travailler dans le jardin et être aussi ordinaire. Il s'en alla; il ne pouvait croire que cet homme était le maître et ainsi, manqua l'occasion.

    Chacun a peur de n'être personne. Seules de rares personnes, des personnes exceptionnelles n'ont pas peur de n'être personne; un Gautama le Bouddha, un Bankei. N'être personne n'est pas un phénomène ordinaire, c'est une des expériences les plus importantes dans la vie, d'être et en même temps de ne pas être. Être seulement pure existence, sans nom, sans adresse, sans frontières… ni pécheur, ni saint, ni inférieur, ni supérieur, uniquement un silence.

    Les gens ont peur parce que toute leur personnalité disparaîtra; leur nom, leur réputation, leur respectabilité, tout va disparaître, d'où la peur. Mais de toute façon la mort va tout emporter. Ceux qui sont sages laissent disparaître ces choses par elles mêmes, rien n'est laissé que la mort puisse vous prendre. Alors toute peur disparaît car la mort ne peut pas venir; vous n'avez rien gardé pour la mort. La mort ne peut pas tuer une personne inexistante.

    Dès que vous réalisez que vous n'êtes personne vous devenez immortel. L'expérience de n'être personne est exactement la signification de nirvana, de néant, de silence, de calme absolu, sans ego, sans personnalité, sans hypocrisie; simplement ce silence… et ces insectes qui chantent dans la nuit.

    Dans un sens vous êtes ici mais en même temps vous n'êtes pas là.

    Vous êtes ici à cause de la vieille association avec le corps, mais regardez à l'intérieur; vous n'êtes pas et vous comprenez que là où règne le pur silence réside votre réalité, que la mort ne peut détruire. C'est votre éternité, c'est votre immortalité.

    Il n'y a rien à craindre, il n'y a rien à perdre et si vous pensez que quoi que ce soit est perdu; votre nom, votre respectabilité, votre gloire, ils sont sans valeur, ce sont des jouets pour les enfants, pas pour des gens mûrs. Le temps est venu pour vous d'être mature, d'être mûr, Le temps est venu pour vous de simplement être.

    Le fait d'être quelqu'un représente si peu. Plus vous êtes quelqu'un, plus vous êtes petit; plus vous n'êtes personne, plus vous êtes grand. Ne soyez absolument personne et vous êtes un avec l'existence elle-même.


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  • Le professeur et sa soif de réponses

    Celui qui s'attache aux questions se perd dans la jungle de la philosophie. Laissez les questions aller et venir. Regardez la foule des questions comme vous regardez les gens se déplacer dans la rue, rien à donner, rien à prendre, avec détachement et recul...

    Plus il y a de distance entre vous et vos questions, mieux c'est, car c'est dans cet espace que surgira la réponse.


    Un professeur de philosophie se rendit chez le maître zen, Nan-in, pour l'interroger sur Dieu, le nirvana, la méditation et beaucoup d'autres choses. Le maître écouta silencieusement les questions, les questions et les questions… puis il lui dit: "Vous semblez fatigué, vous avez gravi cette haute montagne et vous venez de loin, laissez-moi d'abord vous servir un thé". Le maître zen prépara le thé, le professeur attendit, bouillant de questions et pendant que le maître préparait le thé, que le samovar chantait et que l'arôme du thé se répandait, le maître dit au professeur: "Attendez, ne soyez pas si pressé, qui sait, la réponse à vos questions peut venir en buvant le thé... ou même avant".

    Le professeur était désorienté, il commençait à penser: "Tout ce voyage a été inutile, cet homme semble fou. Comment ma question sur Dieu peut-elle trouver réponse en buvant du thé ? Quel rapport y a t'il ? Mieux vaut partir d'ici au plus tôt". Toutefois, il se sentait fatigué et boire une tasse de thé avant de redescendre la montagne serait une bonne chose.

    Le maître apporta la théière, versa du thé dans la tasse, puis continua à verser. La tasse était pleine et commençait à déborder dans la soucoupe mais il continuait à verser; à son tour la soucoupe fut pleine. Juste une goutte de plus et le thé commencerait à se répandre sur le sol. Le professeur s'exclama: "Arrêtez, que faites-vous ? Êtes-vous fou ou quoi ? Ne voyez-vous pas que la tasse et la soucoupe sont pleines ?"

    Le maître zen répondit: "Vous êtes exactement dans cet état, votre esprit est si plein de question que même si j'y réponds vous n'aurez aucune place pour recevoir ma réponse. Toutefois, vous semblez être un homme intelligent et vous pouvez comprendre que la tasse et la soucoupe ne pouvaient pas contenir une seule goutte de thé de plus sans qu'il ne commence à déborder et verser sur le sol. Depuis que vous êtes entré dans cette maison vos questions débordent de partout; elle est petite mais pleine de vos questions ! Rentrez chez vous; videz votre tasse et revenez. Créez d'abord un peu d'espace en vous".


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  • 13. Renoncer au Savoir

    La vision obsédante de Naropa

    La vérité c'est votre propre expérience, votre vision personnelle. Même si j'ai vu la vérité et vous la dis, dès l'instant où je vous l'énoncerai, elle deviendra pour vous un mensonge, non une vérité. Pour moi c'était la vérité, elle me sautait aux yeux, c'était ma vision. Pour vous ce ne sera pas votre propre vision, ce sera une chose empruntée, ce sera une croyance, ce sera un savoir, non une connaissance et si vous commencez à y croire, vous croirez en un mensonge.

    Souvenez-vous de cela, même une vérité peut devenir mensonge si elle entre en vous par la mauvaise porte. La vérité doit entrer par la porte d'entrée, par les yeux. La vérité est une vision, elle doit être vue.

    Naropa était un grand érudit, un grand pandit qui avait dix mille disciples. Un jour où il était assis, entouré de milliers de textes sacrés anciens, très anciens et rares, la fatigue le prit; il s'endormit soudain et eut une vision.

    Il vit une très vieille femme, horrible et laide, une sorcière. Sa laideur était telle qu'il commença à trembler dans son sommeil. C'était si écoeurant qu'il voulut fuir, mais fuir pour aller où ? Il était figé, comme hypnotisé par la vieille sorcière dont les yeux étaient comme des aimants.

    "Qu'étudiez-vous ?" demanda la vieille femme.

    "La philosophie, la religion, l'épistémologie, la langue, la grammaire, la logique" répondit-il.

    De nouveau, la vieille femme demanda: "les comprenez-vous ?"

    Naropa répondit: "oui bien sur je les comprends".

    La vieille femme demanda à nouveau; "comprenez-vous le mot ou le sens ?"

    On avait posé des milliers de questions à Naropa dans sa vie, des milliers d'étudiants qui se renseignaient, demandaient, mais personne ne lui avait jamais demandé cela; s'il comprenait le mot ou le sens. Les yeux de la femme étaient si perçants, ces yeux plongeaient au plus profond de son être et il lui était impossible de mentir. A un autre il aurait dit: "bien sûr que je comprends le sens" mais à cette femme, à cette femme horrible, il devait dire la vérité. "Je comprends les mots" dit-il.

    La femme fut très heureuse, elle commença à danser et à rire et sa laideur se transforma; son être se mit à rayonner d'une subtile beauté et Naropa se dit: "Je l'ai rendue si heureuse, pourquoi ne pas la rendre encore plus heureuse ?" aussi il ajouta: "Oui et j'en comprends aussi le sens".

    La femme cessa de rire et de danser et elle se mit à pleurer, à gémir et toute sa laideur revint, mille fois pire. Naropa demanda: "Pourquoi pleurez-vous, gémissez-vous et pourquoi riiez-vous et dansiez-vous auparavant ?"

    "J'étais heureuse qu'un grand érudit comme toi n'ait pas menti" répondit la femme, "mais maintenant je pleure et gémit parce que tu m'as menti; je sais et tu sais, que tu n'en comprends pas le sens".

    La vision disparut et Naropa fut transformé. Il s'échappa de l'université et plus jamais de sa vie il ne toucha un texte sacré. Il devint complètement ignorant. Il avait compris, la femme n'existait pas, c'était seulement une projection. C'était l'être de Naropa lui-même qui à cause de son savoir était devenu laid. Juste cette simple compréhension que: "je n'en comprends pas le sens" et la laideur s'était transformée en un merveilleux phénomène.

    Cette vision de Naropa est très significative. A moins que vous ne ressentiez que le savoir est inutile vous ne serez jamais à la recherche de la sagesse et vous prendrez la fausse monnaie pour un vrai trésor. Vous devez prendre conscience que le savoir n'est que de la fausse monnaie; ce n'est pas une connaissance, ce n'est pas une compréhension, tout au plus est-il intellectuel. Le mot a été compris mais le sens est perdu.


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  • 14. L'authenticité.

    Milarepa et le faux maître

    L'important n'est pas le chemin, l'important c'est l'authenticité du chercheur. Laissez moi vous l'expliquer.

    Vous pouvez suivre n'importe quel chemin, si vous êtes sincère et authentique vous atteindrez le but. Certains chemins peuvent être ardus, d'autres peuvent être plus faciles; certains peuvent être entourés de verdure, d'autres peuvent traverser des déserts et d'autres encore de beaux paysages et certains autres peuvent ne pas avoir de paysage autour d'eux, c'est encore autre chose. Mais si vous êtes sincère, honnête, authentique et vrai, alors chaque chemin mène au but.

    Cela peut donc être réduit à une chose; l'authenticité est le chemin. Peu importe quel chemin vous suivez, si vous êtes authentique, chaque chemin mène au but et l'opposé est également vrai; peu importe le chemin que vous suivez, si vous n'êtes pas authentique vous n'arriverez nulle part. Votre authenticité vous amène au but et rien d'autre. Tous les chemins sont secondaires, le principe de base est d'être authentique, d'être vrai.

    L'on raconte que lorsque le grand mystique Milarepa arriva chez son maître au Tibet il était si humble, si pur, si authentique que les autres disciples se mirent à le jalouser. Il allait certainement devenir le successeur du maître et bien sûr, il y avait des embrouilles; aussi, ils essayèrent de le tuer.

    Un jour ils lui dirent: "si tu crois réellement en notre maître, peux tu sauter de cette falaise ? Si tu crois vraiment, si tu as confiance rien de mal ne peut t'arriver". Et Milarepa sauta sans hésiter un seul instant. Ils se précipitèrent en bas… c'était une falaise de près de 1500 mètres. Ils descendirent, pensant trouver ses os éparpillés, mais il était là, dans la position du lotus, très heureux, merveilleusement heureux. Il ouvrit les yeux et dit: "vous avez raison, la confiance protège".

    Ils pensèrent que c'était peut-être un hasard, aussi lorsqu'un jour une maison prit feu ils lui dirent: "si tu aimes le maître et si tu as confiance en lui tu peux entrer dans le feu". Il se précipita pour sauver la femme et l'enfant qui étaient restés à l'intérieur; les autres disciples espéraient bien qu'il mourrait, mais lorsqu'il ressortit avec la femme et l'enfant il n'était pas brûlé du tout et la confiance le rendit encore plus rayonnant.

    Un jour qu'ils se rendaient quelque part ils durent traverser une rivière et ils lui dirent: "tu n'as pas besoin de monter dans le bateau, ta confiance est si grande que tu peux marcher sur l'eau". Et il marcha.

    C'était la première fois que le maître le voyait, il ne savait pas qu'on avait dit à Milarepa de sauter dans le précipice ou d'entrer dans la maison en feu, mais cette fois-ci il était là, sur la rive et il vit Milarepa marcher sur l'eau. "Que fais-tu ? C'est impossible !" s'exclama t'il.

    Milarepa répondit: "ce n'est pas impossible du tout ! Je le fais par ton pouvoir, maître".

    Alors le maître pensa: "si mon nom et mon pouvoir peuvent faire cela pour cet homme ignorant et stupide… et dire que je n'ai jamais essayé moi-même"… alors il essaya, il se noya et on n'entendit plus jamais parler de lui.


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  • 15. La Vigilance

    La mort soudaine du disciple d'Ekido

    Soyez vigilant. Chaque moment doit être vécu comme si c'était le dernier, il est fort possible que ce soit le dernier ! Aussi, vivez-le totalement, retirez-en la quintessence. C'est dans cette totalité que vous serez vigilant.

    Le maître japonais Ekido était un maître sévère et ses élèves le craignaient.

    Un jour qu'un élève frappait l'heure sur le gong du temple, il manqua un coup car il observait une belle fille qui franchissait la porte du temple. Le disciple ignorait qu'Ekido était debout derrière lui et Ekido le frappa avec son bâton. Le choc arrêta le cœur du disciple et il mourut.

    Vous pourriez penser, en considérant cette histoire, que le maître a tué son disciple mais ce ne fut pas le cas. De toute façon le disciple allait mourir, c'était son heure et le maître le savait; il a seulement utilisé l'instant de sa mort pour lui permettre l'illumination.

    L'histoire ne le dit pas mais c'est ce qui arriva, sinon pourquoi le maître se serait-il tenu derrière lui ? N'avait-il rien de plus important à faire ? Mais à ce moment là, rien n'était plus important car ce disciple allait mourir et cette mort devait être utilisée. L'histoire est belle et très significative. Le disciple a vu passer une belle fille et il a oublié toute conscience de lui-même, tout son être devint désir, il voulait suivre cette fille, posséder cette fille. Un instant auparavant il était dans la conscience, maintenant il n'était plus vigilant.

    Il était totalement vigilant lorsqu'il frappait le gong - cela fait partie de la méditation dans un monastère zen; quoi que vous fassiez, faites le avec conscience ! Quoi que vous fassiez, soyez dedans comme une lumière et tout vous sera révélé. Ce disciple au moment de sa mort aurait dû être vigilant et conscient mais le mental fit une dernière chose, sa dernière tentative, une belle fille apparut. A ce moment là, alors que le disciple n'était plus vigilant, le maître le frappa durement sur la tête.

    Le maître voit la mort invisible approcher et il le frappe juste pour le rendre conscient. Le maître attendait derrière lui. Les maîtres attendent toujours derrière les disciples, physiquement ou pas et c'est le plus grand moment lorsqu'une personne va mourir. Le maître le frappa durement, son corps tomba mais à l'intérieur il est devenu conscient; le désir disparu. Tout est parti avec le corps; brisé, il est devenu conscient. Il est mort dans la vigilance et si vous pouvez joindre vigilance et mort vous êtes illuminé.


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